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Récits, descriptions, entrevues, anecdotes
qui racontent des événements, des personnalités,
des traditions, des coutumes de l'histoire du Québec.
Cette rubrique n'est pas chronologique.
Ces courts textes ont pour but de vous informer succinctement,
parfois avec humour mais toujours avec rigueur sur la vie de
nos ancêtres.
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Le Temps des sucres
par Bibiane Grenier
Le temps
des sucres commence habituellement autour du 1er mars. Devenue
commerciale et beaucoup plus industrialisée, la "cabane à
sucre" n'a peut-être plus le charme et la poésie qu'elle
avait lorsque j'étais enfant mais elle fait toujours partie de
nos coutumes québécoises. Attendez que je vous raconte
comment ça se passait avant...
Aussitôt que le temps était venu, on se
mettait à faire les préparatifs nécessaires.
Ces préparatifs duraient bien une bonne dizaine de jours et
ils étaient l'affaire de toute la famille. On fabriquait des
petites gouttières en cèdre appelées "goutterelles".
Elles furent remplacées beaucoup plus tard par des goutterelles
de métal et beaucoup plus récemment par des boyaux.
Puis on chaussait les raquettes pour se rendre à
la cabane pour y faire un bon ménage. Toutes les chaudières,
moules, cassots, bacquets et autres ustensiles étaient nettoyés,
récurés, rincés à grande eau. On débarrassait
la cabane de la poussière ou des fils d'araignée, on
ouvrait toutes grandes les portes pour aérer. Puis, on préparait
la provision de bois: il fallait choisir des arbres secs, pruches,
hêtres, érables que l'on coupait et cordait près
de la cabane.
Lorsque le sucrier décidait qu'il était
temps d'entailler on chaussait à nouveau les raquettes et
on s'élançait joyeusement vers l'érablière.
Le matériel nécessaire chargé sur des traîneaux,
on attaquait le premier érable, Il fallait d'abord choisir
l'endroit favorable, du côté du sud ou du sud-ouest et
à environ 40 centimètres au-dessus du sol, l'on pratiquait
une petite entaille diagonalement dans l'écorce et l'aubier.
On y fixait la goutterelle dans l'entaille en l'inclinant un peu et
l'on accrochait le baquet ou le cassot sous l'extrémité
inférieure de la goutterelle. On n'avait pas à attendre
bien longtemps avant de ne voir s'écouler dans le récipient
l'eau sucrée de l'érable.
Si Dame Nature était favorable, les seaux se remplissaient
vite et on pouvait alors faire la tournée de l'érablière.
Chaque seau était alors vidé dans un grand récipient
placé sur un traîneau que tirait le cheval et, la
sève, ainsi recueillie, était alors amenée
à la cabane pour être bouillie et transformée
en sirop.
On versait l'eau d'érable dans un grand bassin
sous lequel était allumé un feu qu'il fallait entretenir.
À mesure que l'évaporation se produisait,
l'eau atteignait une belle couleur brune, elle formait ce qu'on appelait
du réduit. Ce réduit, après avoir été
coulé à travers une épaisse flanelle, était
mis dans de grands bidons. Lorsqu'on en avait une quantité
suffisante, on le mettait de nouveau sur le feu, pour faire du
sirop . C'était une opération délicate.
Le feu ne devait pas s'éteindre. On écumait le
réduit au fur et à mesure, on l'agitait, on l'empêchait
de gonfler. Il était prêt lorsque le liquide "filait".
Si l'on voulait faire du sucre, il fallait faire bouillir
un peu plus longtemps. Le sirop épaississait, il se transformait
alors en tire. Quel bonheur de savourer cette tire si on l'étendait
sur la neige. Elle devenait alors cassante et si on l' enroulait
autour de la palette pour la lécher, c'était un pur
délice.
Si on continuait de faire bouillir le contenu de la chaudière
encore 30 à 40 minutes, la tire devenait granuleuse. Il
fallait alors la retirer du feu, la laisser refroidir légèrement,
la brasser puis la verser dans des moules en bois qu'on humectait
avec de l'eau d'érable. On n'avait plus qu'à laisser
prendre puis à démouler.
La cabane à sucre était toujours
le rendez-vous de la parenté et des nombreux amis. On venait
y manger de la trempette, du sucre chaud, de la tire sur la neige, des
oeufs cuits dans le sirop...
On y veillait souvent très tard parce qu'on se
racontait de bonnes histoires, on y chantait des chansons à
répondre.
Aujourd'hui les goutterelles et les seaux ont été
remplacés par tout un système de tubulures qui amènent
l'eau d'érable directement à la cabane. Les bouilloires
sont en acier inoxydable. Les fournaises sont plus modernes et plus
sécuritaires. Les cabanes à sucre sont devenues
d'immenses restaurants où l'on nous sert une variété
de mets typiquement québécois. Mais on a tous un oncle,
un cousin, un ami de nos parents qui possède encore une "vraie
cabane", comme dans le temps et lorsqu'arrive le temps des sucres, on
monte à la cabane pour se sucrer le bec et raviver nos souvenirs
d'enfance.
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