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Récits, descriptions, entrevues, anectotes qui racontent
des événements, des personnalités, des traditions,
des coutumes de l'histoire du Québec.
Cette rubrique n'est pas chronologique. Ces courts
textes ont pour but de vous informer succinctement, parfois
avec humour mais toujours avec rigueur sur la vie de nos ancêtres.
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Piopolis
(Au tout début...)
Je suis née et j'ai grandi à Piopolis. Ce charmant
village de l'Estrie est situé sur la rive ouest du lac Mégantic.
Que ce soit pour jeter sa ligne à l'eau et taquiner la truite,
pour la baignade ou les sports nautiques, pour admirer un panorama
tout à fait splendide dans le rang des Grenier, pour la proximité
du mont Mégantic où l'on retrouve l'Astrolab, centre d'interprétation
en astronomie, Piopolis a toujours, d'aussi loin que je me souvienne,
attiré les touristes et les villégiateurs. Mais qu'en est-il
de son histoire?
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Piopolis «signifiant
ville du pape» fut fondé en 1871 par des zouaves pontificaux,
défenseurs du pape Pie IX (1846-1878). Parler de la fondation
de Piopolis c'est donc parler de ces zouaves au coeur généreux
qui, à la suite de leur aventure religieuse par delà les
mers et jusqu'en Italie, mettent leur courage à la grande cause
de la colonisation.
Il est vrai qu'à cette époque, il y a un mouvement
intense qui pousse les jeunes vers les terres non défrichées.
Aux zouaves revenus d'Europe, le gouvernement offre des lots et il met
à la disposition des futurs colons, un missionnaire. On leur promet
5$ par mois pendant 2 ans et on leur assure un logement dans la nouvelle
colonie.
Ainsi encouragés, quatorze zouaves avec leur missionnaire,
M.A. Séguin, acceptent ces offres et partent pour cet endroit situé
sur les bords du lac Mégantic et qui s'appellera plus tard Piopolis.
Les difficultés pour s'y rendre ne manquent pas: le chemin
de fer s'arrête à Sherbrooke. Un service de diligence, sur
le grand chemin, passe à Winslow (aujourd'hui appelé Stornoway).
Il y a là un poste d'approvisionnement, une sorte de magasin
général.
Nos futurs colons y achèteront un poêle, une lampe,
de l'huile de charbon, une serpe, des "globes de lampes", des jambons,
de la farine etc.. en un mot tout ce qu'il faut pour parer aux grandes
nécessités.
De Winslow, un chemin allant vers le lac Mégantic est ébauché
à travers bois. Ici et là quelques chétives cabanes
sont bâties aux abords du chemin. Plus on avance, plus la forêt
et intacte et profonde. Pour atteindre l'endroit proposé à
la colonie naissante, on parcourt ainsi une cinquantaine de kilomètres.
On y arrive le 21 avril 1871.
Les zouaves trouvent sur place un camp de 20 x 22 pieds, bâti
de pièces équarries à la hache. Ce camp avait été
construit puis abandonné par des Écossais venus y faire
une tentative de colonisation. Ce logis se compose d'une seule pièce
au rez-de-chaussée et d'un grenier avec un plancher mal ajusté
qui doit servir de dortoir. La construction avait été
vite faite et sans grande précaution, on peut voir le jour entre
les pièces de bois. Par malheur, le printemps de 1871 est tardif
et les zouaves grelottent.
Mais ces colons sont jeunes, débrouillards, en bonne santé
et enthousiastes. Ils ont la tête pleine de rêves et d'ambitions.
Ne veulent-ils pas bâtir un village, fonder une famille et s'y
établir à demeure?
Dès l'arrivée, on se met à la tâche.
Il faut d'abord calfeutrer les murs pour rendre la maison plus confortable.
Certains s'improvisent bûcherons. Il faut abattre des arbres
et faire du bois pour se chauffer. Plus tard, il faudra défricher
les terres pour les cultiver. À tour de rôle, on devient
cuisinier, il faut bien nourrir ces solides gaillards qui se sont creusés
l'appétit à bûcher, à construire des
chemins, à s'improviser menuisiers pour percer des fenêtres,
fabriquer des meubles, nettoyer la maison, à s'installer
tout simplement...
Le soir venu, c'est la veillée. On se taquine, on s'amuse,
on chante. Une franche camaraderie s'installe. Et demain, on reprendra
la tâche avec autant de courage que la veille.
Cependant tout n'est pas toujours rose. Les Écossais de la
partie nord-ouest du canton voient d'un mauvais oeil ces colons s'installer
sur un territoire qu'ils convoitent. Ils usent de représailles pour
montrer leur mécontentement. Nos hommes ont été
soldats, ne l'oublions pas. Ils savent se défendre et connaissent
la valeur de leurs poings, quand ce n'est pas un solide gourdin
caché sous le siège de la charrette lors des déplacements
.
On vivra ainsi pendant plusieurs mois. Mais le groupe de départ
diminuera. Quatre d'entre eux, sans doute déçus dans leurs
espérances ou effrayés par la tâche qui les attend
prennent le chemin du retour. Les autres tiennent bon, se choisissent
des lots et commencent à s'installer sur leur propre domaine. De
nouveaux colons viendront grossir les rangs de la petite colonie.
Mon arrière-grand-père, Edmond Grenier, arriva à
Piopolis en 1874. Il se maria à Marie-Flore Beaulé le 28 février
1876. De cette union naquit 15 enfants. Les Grenier sont omniprésents
à Piopolis et ceux qui ont quitté le berceau de leur enfance
pour d'autres lieux y reviennent toujours avec bonheur.
Ce texte m'a été
inspiré en grande partie par un article sur Piopolis que la «Société
Historique des Cantons de l'Est» publiait dans le messager
Saint-Michel des années 1930. Texte repris par Jean-Marc Grenier
pour l'album centenaire de Piopolis (1871-1971).
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